Premier retour au bercail

Publié le par Les Globes Trotteurs

Premier retour au bercail
Premier retour au bercail
Premier retour au bercail
Premier retour au bercail

À mesure que je prépare mes valises pour rentrer en France pour la première fois depuis notre arrivée au Québec, mes sentiments sont mitigés.

Ce qui prime c’est le stress : le stress de courir, de devoir tout enchaîner, voir les amis, la famille (24 personnes à voir sur 5 jours) assister à ce mariage et cet EVJF (la raison de mon retour), rattraper mon retard et assister à mes cours virtuels en inmobilier. Comment tout faire et bien le faire à ce rythme et avec un décalage horaire dans le nez en plus ?

Si je sonde un peu plus, je ressens bien sûr un peu d’excitation : revoir toutes ces personnes que j’aime, retrouver des repères plus ou moins perdus, des lieux, des odeurs, des goûts familiers... j’ai hâte de retrouver tout cela quand même !

Mais si je vais un peu plus profond, ce que je trouve vraiment c’est l’angoisse. Angoisse de quoi me direz vous ? Ce n’est que du positif !? Sûrement que je me fais une montagne de pas grand chose. Mais d’abord passer 10 jours loin de mon mari et de mes deux enfants, les laisser dans des conditions mois qu’idéales (mon mari qui travaille tous les soirs et qui ne voit les enfants que une demi heure le matin la semaine et moi qui prend l’avion le soir et doit les déposer le matin à l’école pour ne plus les revoir après ça).

Puis retrouver des gens que je n’ai pas vus en 18 mois dont certains avec qui je n’ai échangé que quelques textos dans tout ce temps. Et si on n’avait plus rien à se dire ? Et si on n’avait plus rien en commun ? Et si, comme tout le monde le fait déjà si bien, ils s’attardent à relever avec moquerie mon nouvel « accent »?

Puis retrouver la France et Paris ! Et si je régissait comme tout ces immigrants ou ces provinciaux et que je ne relève que le mauvais ? Toutes les raisons qui m’ont poussée à partir ? Incapable d’en voir les bons côtés et d’en profiter tant qu’il est temps ?

Finalement le jour J arrive : c’est le départ. Le matin je dois déposer mes enfants à l’école et à la garderie et j’ai toutes les peines du monde à garder les yeux secs. À ce manque d’envie de les quitter s’ajouter une angoisse profonde que ce sont des adieux et non des au revoir, comme si je n’allais jamais revenir de ce voyage... la journée s’enchaîne entre les différentes taches de dernière minute. Me voilà finalement à l’aéroport : l’enregistrement la sécurité l’embarquement. Tout se passe de façon relativement fluide. J’arrive même à dormir un peu dans l’avion et le vol passe vite. Arrivée à Paris il fait un grand soleil et j’ai chaud avec mes deux pulls et ma doudoune ! Je goutte aux joies d’un taxi parisien et à peine arrivée me déleste de 70€ pour rejoindre ma première destination : chez mes parents. Le temps de déballer les premiers bagages, j’en profite pour piquer un somme une petite heure avant de reprendre la route pour rencontrer mon premier contact avec ma vie d’avant en France.

Les jours passent et les visites s’enchaînent « tu n’as pas trop l’accent en fait ! C’est comment il ne fait pas trop froid ? » je suis agréablement surprise par les réactions des gens. Mon côté caméléon des langues a vite pris le dessus et mis à part quelques expressions qui reviennent j’ai presque complètement perdu mon accent québécois.

Dès le lundi je renoue avec les transports en commun parisiens : c’est reposant de se poser dans un train et de laisser porter. Moi qui suit sur la route tous les jours à Montréal, j’apprécie de pouvoir quasiment débrancher mon cerveau et le laisser aller en pilote automatique, au gré des trains, RER et autres métros. Je connais tellement bien le réseau parisien, cela ne me demande aucun effort de réflexion pour me rendre d’un point A à un point B. Je retrouve mes repères et mes souvenirs au gré des stations : la fois où je suis allée à Disneyland avec ma fille aînée, les emplettes littéraires à la Fnac de Châtelet, acheter des croissants au Paul de Gare du Nord, retrouver le marchand de journaux du matin à la gare de Gros Noyer Saint Prix... c’est agréable et distant à la fois. Ni bien ni pas bien, juste un joli constat et un petit confort nostalgique tout de même. Peut être qu’un jour j’aurai la même sensation à Montréal mais je me rends compte que cela passe probablement par une bonne connaissance de la ville et notamment des transports en communs et des grands axes routiers. Aujourd’hui je me déplace en voiture à l’aide de mon GPS et il m’arrive régulièrement d’arriver chez des clients sans avoir aucune idée du quartier dans lequel je suis et encore moins de où je me situe par rapport à l’île de Montréal. C’est décidé ! Je prendrai plus de temps pour découvrir et arpenter ma ville d’accueil à mon retour !

Retrouver cette mixité sociale que j’aime tant : les couleurs des peaux et des tissus se mélangent à mesure que je m’engouffre dans la foule, me laissant porter au gré de son mouvement. Cette foule qui me pèse tant à Montréal car elle y est si inhabituelle et qui à Paris prend une autre teinte, comme si cela allait de pair avec la ville, son pouls, sa vibration. C’est comme retrouver le brouhaha et la vigueur de la vie après avoir profité du repos et du sommeil enneigé de l’outre Atlantique. Définitivement je me sens vivre dans l’une comme dans l’autre. Mais là où l’une me laisse telle une survivante, l’autre me laisse m’épanouir et me permet de ne pas ressentir ce rythme de course effréné que j’ai fui. Alors que je me jurai ne jamais vouloir revenir même en vacances, je me surprends a pouvoir, le temps de quelques jours me plonger à nouveau avec délice dans ce rythme sans en ressentir le poids ou l’amertume de celui qui y vit et y est constamment confronté.

Le plaisir de prendre le temps de vivre à mon propre rythme : sans le stress imposé par le vie avec des enfants, retourner à FNAC et fouiner parmi les bouquins. Se rendre compte que j’ai emporté avec moi un peu du Québec et que ma bienveillance vis à vis d’autrui se ressent d’autant que la bienveillance d’autrui vis à vis des autres me paraît parfois tellement absente à Paris.

Ne pas avoir de données c’est aussi se couper du monde quelques heures par jour : jusqu’au moment de retrouver une connexion wifi. C’est ne pas avoir de notifications permanentes et pas d’envie irrépressible de se connecter à Facebook ou autres réseaux sociaux. C’est permettre au cerveau de vagabonder à d’autres choses, c’est être à l’écoute de son environnement, c’est de nouveau écouter de la musique, c’est lire à nouveau, c’est prendre le temps d’écrire ces lignes. Passé la phase de désintoxication comme une droguée (t’as du wifi t’as du wifi?) c’est vraiment quelque chose d’appréciable et ça fait du BIEN. Bonne résolution : déconnecter mon téléphone plusieurs fois par jour à mon retour au Québec et notamment quand je suis à la maison et pas censée travailler. Essayer d’emmener ma moitié avec moi dans cette nouvelle quête et donner un bon exemple pour mes filles.

Voir que mon objectif de qualité de vie est partiellement atteint mais pas encore complètement. Jurer qu’à mon retour je prendrai plus de temps pour encore ralentir d’avantage mon rythme. Pour être maître de mon temps plutôt que de le laisser me maîtriser.

Retrouver des amies anciennes collègues de travail et se rendre compte que rien n’a changé et en même temps tout a changé. Que cette vie d’avant ne me manque pas. Remercier intérieurement d’avoir eu la chance de pouvoir prendre la décision de partir et de tout plaquer pour tout rebâtir. Je suis consciente d’être privilégiée car ça n’est pas donné à tout le monde d’avoir les moyens de l’entreprendre. Alors je prends le temps de le reconnaître et de le savourer.

Puis assister à ce mariage pour lequel je suis rentrée, vivre ces moments riches en émotions et se rendre compte que ma famille me manque car j’aurai voulu vivre cela avec elle. D’un seul coup je me sens loin d’eux, ils me manquent, j’ai envie de les voir de leur parler de les toucher. Qu’ils sachent ce que je vis ici... partager ces moments de joie intenses.

Enfin revoir tous ces gens que j’aime et qui malgré les mois d’absence et de silence sont encore là pour moi. Avec une simplicité et une facilité parfois déconcertante mais surtout réconfortante. Accepter que des relations de cette qualité se construisent avec le temps mais aussi écouter la petite voix qui te dit que peut être tu n’en retrouveras plus des comme ça.

Alors que je suis assise dans l’avion du « retour », je m’interroge sur la sémantique de ce mot. « Retour ». Ça paraît simple mais c’est pourtant si complexe. Je suis « retournée » en France, retournée « chez moi ». Aujourd’hui je « retourne » au Canada, je reviens « à la maison ». Je réalise une fois encore un peu plus que d’immigrer c’est un peu comme n’être de nulle part. On a quitté notre pays natal, pour tout donner dans notre pays d’accueil mais sans jamais pouvoir un jour dire « je suis chez moi ». Pas vraiment. Pas au même sens que les autochtones. Entamer le deuil de cette vie là et continuer d’avancer...

Publié dans Notre vie Québécoise

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