Assister aux évènements heureux : les mariages

Publié le par Les Globes Trotteurs

Quand on a immigré loin des siens, cela a forcément des conséquences.

Une des conséquences les plus importantes selon moi est notre capacité ou facilité à assister aux évènements heureux ou malheureux. Dans ce billet, je vais me concentrer sur les évènements heureux et plus particulièrement les mariages.

Nous sommes à un âge et à une époque lors de laquelle les gens recommencent à se marier. Il n’est pas rare dans notre entourage de voir des gens se marier après de nombreuses années de vie commune, la trentaine bien entamée. Ou de rencontrer de nouvelles personnes un peu plus jeunes qui en sont à ce stade de leur vie. Ou encore des amis qui en sont eux à un autre stade de leur vie et qui vivent des remariages…

L’avantage des mariages (normalement) c’est que ça se planifie longtemps à l’avance. Donc en théorie, tu es capable de mettre de l’argent de côté pour y assister si tu souhaites y aller. Mais ça c’est le tip de l’iceberg. Dans les faits, voici quelques-uns des éléments de réflexion qui traversent la tête des immigrés (watch out, billet TRÈS long, si tu as autre chose à faire, prévois de faire une pause et de revenir lire la fin à un autre moment ou de garder la lecture pour plus tard 😊)

  • Le lieu du mariage. Étant donné que nous sommes ici au Québec depuis assez peu de temps finalement et que de surcroit les amitiés que nous avons créées sont principalement avec des français (on y reviendra dans un autre billet), la plupart des mariages auxquels nous sommes invités sont ceux de la famille ou d’amis vivant ou originaires de France. Ce qui signifie voyage en avion.
  • Qui part ? Nous sommes une famille de 4, si nous voulons assister au mariage, on a 2 solutions : soit on y va tous les 4, soit on sépare la famille (1 adulte+1 enfant y vont, 1 adulte+1 enfant restent ou  1 adulte y va et tous les autres restent ou encore 1 adulte + 2 enfants y vont et 1 adulte reste).
  • Problématique du coût. Payer 2 ; 3 ; 4 ou même juste 1 billet d’avion a de quoi grever ton budget pour longtemps. Dans un contexte ou tu as déjà du mal à joindre les deux bouts, la question peut ne même pas se poser. Mais si tu réservais ce budget justement pour des vacances, tu dois fait le choix cornélien entre aller au mariage (ce qui devient tes vacances) ou ne pas y aller et partir en vacances où tu avais prévu d’aller au départ. Si cette situation se produit une fois, c’est une chose, mais si elle se répète tous les ans, tu as tôt fait de passer toutes tes vacances en France ou a fortiori aux endroits où se produisent les mariages et tu ne vas jamais pouvoir faire les vacances que tu avais prévu au départ. Je me suis prêtée au jeu de calculer le coût potentiel :
      • Billet d’avion : si vers la France entre 600-800 euros soit environ 900-1,000$ / pers
      • Taxi pour l’aéroport de Montréal x 2 : 150$
      • Location de voiture sur place (3 jours disons) : entre 30-50 euros / j = 200$
      • Logement sur place : environ 70-100 euros / j = 360$ pour 3 nuits
      • Budget tenue de mariage : environ 100$
      • Cadeau de mariage : à discrétion
      • Budget relié à la consommation de bouffe sur place probablement plus cher que si tu t’étais fait à manger chez toi

Soit un total de minimum 1,800$ pour une personne (!!!) et ça c’est pour la France, si tu pars ailleurs dans le monde (quand comme moi tu as la chance d’avoir un frère qui vit à Singapour), le budget n’est pas non plus le même…

  • Problématique reliée aux dates et aux jours de congés. Je le rappelle il y a environ 1521 jours de congé par an pour un emploi salarié standard ici au Québec. Dans notre cas on est plutôt chanceux car je suis travailleur autonome et je peux travailler à distance et Monsieur a pas mal de jours de congés. Cela étant dit, entre les visites que l’on reçoit et pour lesquelles on va quand même prendre quelques congés pour être avec ceux qui viennent nous voir et les vacances scolaires (qui elles sont loin d’être au nombre de 15-21 jours par an) ; les congés s’épuisent et s’amoindrissent. De plus, avec une job salariée et des clients à gérer, les congés se prévoient à l’avance et on n’a pas toujours la possibilité de poser les congés quand on le souhaite (priorité de l’employé, saisonnalité de l’occupation professionnelle : par exemple dans mon cas, la « haute » saison dure de février au 1er juillet. Difficilement compatible avec les fameux mariages de juin…). On se retrouve alors face au même choix cornélien : mariage ou vacances ?
  • Mais encore toutes ces choses là pourraient encore se gérer. Si tu n’ajoutais pas la contrainte des délais. Parfois, on est invités à un mariage du jour pour le mois suivant ou au mieux quelques mois plus tard. Comment gérer le fait que ta planification prenne le bord ? Si tu avais prévu de faire telle ou telle chose, d’aller à tel ou tel endroit, si tu avais des engagements professionnels, tu dois tout revoir et potentiellement tout déconstruire pour faire cette place dans l’agenda. Si tu avais mis de côté un budget pour des vacances spéciales ou une nouvelle auto, décidestu d’utiliser cette cagnotte pour finalement aller au mariage et recommencer ensuite à zéro et repousser tes projets d’une autre année ? Que se passe-t-il si l’année d’après la même situation se représente ?
  • À l’aire des réseaux sociaux, tout se sait et on ne peut presque plus rien cacher à personne à moins de ne pas exister dans le monde virtuel. Dans les faits, ce que cela implique c’est que tout le monde va savoir où vous allez en vacances et ce que vous allez y faire. Il est probable que si vous vous rendez à un mariage vous écriviez un post ou relayez une photo de votre présence à cet évènement sans vraiment y penser. Ou même que d’autres prennent des photos et les publient sur les réseaux en indiquant votre présence.  Sur le coup, rien de dramatique. Mais si la fois d’après vous faites le choix de ne pas assister à cet autre mariage auquel vous avez aussi été invité, il y a fort à parier que la personne qui vous a invité sache que vous avez été à tel ou tel autre. Comment alors justifier ses choix auprès de cette personne ? Doiton en fait les justifier car au fond les raisons de ce choix peuvent être très personnelles et intimes. On n’a peut-être pas forcément envie de révéler que l’on n’a pas un sou de côté ou qu’au contraire on a sué sang et eau pour mettre de côté ce petit 2,000$ qui était mis de côté pour partir en famille en fin d’année ? Comment ne pas blesser la personne en respectant son niveau d’intimité ? La ligne est fine et vraiment difficile à placer au bon endroit.
  • Si l’on fait malgré tout le choix d’y assister, mais que pour couper la poire en deux niveau budget, on décide de partir à un seul adulte (c’est le choix que nous avons fait lors des deux derniers mariages qui se sont présentés), alors on a la problématique du parent restant seul. Celui qui part, c’est facile entre guillemets. Logistiquement parlant il n’a que lui à gérer. Tout ce qu’on lui demande c’est d’être content d’être parti, de pas se plaindre (no pressure) et de pas dilapider l’argent de la famille (no pressure again). Mais pour celui qui reste, ça veut aussi dire revoir complètement son agenda : tu deviens parent solo pour un temps. Tu dois déposer et récupérer les enfants à l’école / garderie. Et si ça « fit » pas dans ton horaire, tu dois te débrouilles autrement. C’est que le réseau sur place prend tout son sens. Et comme le parent qui part est « coupable » de laisser l’autre tout seul, c’est à lui de gérer l’organisation de son départ. Quand tu n’as pas de famille sur place et que tu es là depuis peu, que les gens travaillent accessoirement, ce n’est pas simple de trouver des relais pour aider à s’occuper de tes enfants. La première année, nous avions eu la chance d’avoir mes beaux parents qui étaient venus de France pour aider mon conjoint. Cette année, on a réussi à se débrouiller entre les amis, les gardiennes et les modulations d’emploi du temps de Monsieur. Mais c’est toute une organisation.

Et puis, il y a (quand même) celui qui part. Celui qui part, c’est certes assister à un moment heureux de la vie d’un proche, mais c’est vivre ce moment heureux sans tes proches à toi. C’est se dire « I wish they were here ». C’est participer à des moments importants sans les avoir à ses côtés. C’est vivre avec la culpabilité d’avoir utilisé une partie du budget familial pour être ici et voir 30 minute les mariés (parce que tu ne connais personne d’autre et que soyons honnête, lors d’un mariage tu ne passes pas plus de 30 minutes avec chaque invités) avec la tête à l’envers du décalage horaire, pendant que eux ne peuvent pas partir un week-end en vacances. C’est savoir par le biais de celui qui reste que les enfants ne vivent pas forcément très bien la séparation et vivre aussi avec cette culpabilité-là.  C’est aussi devoir quitter à nouveau ceux que tu aimes après quelques jours intenses et riches en émotions et en moments partagés. C’est être de nouveau confronté à la distance qui nous sépare et aux styles de vivres différents que nous vivons. C’est être le témoin d’une vie qui passe vite et dans laquelle on a fait le choix de vivre ailleurs, au prix de la distance d’avec ceux qui nous sont chers. Et même si l’on continue d’assumer ce choix, cela ne nous empêche pas de trouver la séparation à chaque fois aussi difficile qu’au premier jour.

Publié dans Notre vie Québécoise

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